" l ' Hélico " Vu par un Toubib

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" l ' Hélico " Vu par un Toubib

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Spécial Hôpitaux 2009

Hélicos sur ordonnance

Carcasses de voitures enchevêtrées, équipe médicale sautant de l'hélicoptère du Samu posé en catastrophe sur l'autoroute pour se précipiter au secours des victimes, c'est ce genre d'images spectaculaires que le public retient de l'utilisation de cette formidable machine. Et c'est justement celle que le docteur Nicolas Letellier, 61 ans, patron du Samu du département d'Eure-et-Loir, basé à l'hôpital de Dreux, veut chasser des esprits : « Ces interventions existent mais, dans une période de concentration des plateaux techniques spécialisés et de fermeture de petits hôpitaux, l'hélicoptère nous sert surtout à transférer les patients d'une structure de soins à une autre » , explique le président de l'Association française des hélicoptères sanitaires hospitaliers (AFHSH). Au centre 15 de l'hôpital qui régule tous les appels d'urgence du département, il ne faut pas attendre très longtemps pour participer à l'une de ces missions. La victime est un accidenté de la route de 46 ans qui a été transporté aux urgences de l'hôpital de Chartres. Le bilan est rapide : en raison d'une hémorragie interne massive, le blessé doit être transféré au « KB », l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, l'un des temples français de l'embolisation artérielle. Un transport par la route serait long et dangereux.

Dans le vrombissement de ses deux turbines, l'Agusta 109 s'élève au-dessus de la plate-forme de l'hôpital de Dreux sous le regard ébahi des passants dont les silhouettes figées rétrécissent rapidement à vue d'oeil. A son bord, un médecin et un infirmier du Samu. Virage à gauche puis, à 300 kilomètres à l'heure et à une altitude de 300 mètres, l'hélicoptère survole la plaine en pilotage automatique. A peine douze minutes de vol et il se pose sur l'hélistation de l'hôpital de Chartres. Le temps de « passer » plusieurs culots de sang au patient et la machine redécolle vers Paris. Vingt minutes plus tard, il se présente par l'ouest, face à la boucle de la Seine, suit le fleuve par la droite et soudain bascule vers le sud. Quelques minutes après, atterrissage impressionnant entre les vieux bâtiments du « KB. » Direction, la salle de réveil. Enfilade de couloirs aux lumières blafardes, les patients s'écartent devant le chariot où repose la victime intubée et bardée d'électronique. Une fois dans la grande salle où s'affairent les équipes médicales, tandis que le médecin du Samu explique rapidement la situation au réanimateur de garde, le patient est préparé, prêt pour les premiers examens. Vingt minutes plus tard, l'Agusta 109 est de retour à Dreux, prêt à repartir pour sa prochaine mission. Il transférera un jeune garçon atteint d'une maladie d'origine neurologique grave de l'hôpital de Dreux vers celui de Necker-Enfants malades à Paris, se posera dans un champ du petit village de La Ferté-Villeneuil pour tenter de réanimer-en vain-un homme de 71 ans victime d'un malaise cardiaque, emmènera de l'hôpital de Châteaudun à celui d'Orléans une personne âgée dont l'état s'est brutalement aggravé.

Préjugés

« C'est un bijou, mais qui ne peut pas voler de 22 heures à 8 heures du matin, soupire le docteur Letellier. Pas pour des raisons techniques, mais parce que, dans ce cas, on exige de nous plus de pilotes. » Sans compter les multiples préjugés contre l'hélicoptère et le maquis réglementaire encadrant son utilisation : « Le bruit, le coût, le danger sont les arguments récurrents, explique-t-il. Mais il faut sortir de tous ces mythes. C'est un outil très sûr, un maillon devenu indispensable dans la chaîne de soins et dont le rôle ne peut que s'accroître dans les années à venir. Les transports secondaires représentent déjà 65 % de notre activité. » Actuellement, il existe 40 hélicos blancs-couleur de la plupart des Samu, en complément des rouges de la sécurité civile et des bleus de la gendarmerie-quand il en faudrait 20 de plus selon le président de l'AFHSH. Surtout si l'on veut respecter les annonces de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. A plusieurs reprises, en défendant la dernière loi hospitalière, elle a souhaité que soit porté de 30 à 20 minutes le délai d'intervention des urgences, tous moyens confondus et ce en n'importe quel point du territoire. Enfin, la France ne dispose pas d'un opérateur unique gérant la répartition, la mise en place et l'entretien des machines comme en Allemagne ou en Suisse. « Chez nous, tout est atomisé. On gère les hélicos comme si c'étaient des ambulances. »

Le problème de paris

Mais ce n'est pas ce qui énerve le plus cet homme plutôt pondéré. Le vrai problème des urgentistes, une fois la victime prise en charge, est de trouver des places dans les structures de soins. « L'hélicoptère se pose, on effectue les premiers soins, on conditionne le patient, les gens se disent " Ça y est, c'est formidable, il est sauvé ". Evidemment, on est capable de leur envoyer un hélico pour traiter leur proche. Et puis la machine reste au sol, le temps passe, là, ça commence à gronder, les gens s'énervent : "Mais qu'est-ce qu'ils foutent ?" Ils ne peuvent pas savoir qu'à la régulation on appelle dix, parfois quinze services avant qu'on nous dise "OK, c'est bon, on le prend, votre patient." » En passant quelques jours dans la grande salle à suivre la gestion des centaines d'appels, on en entend de belles. Depuis plus d'une heure, le médecin régulateur cherche une place dans les hôpitaux de la région disposant d'un service d'urologie pour une patiente souffrant d'une obstruction et d'une infection des voies urinaires pouvant dégénérer en choc septique fatal. Pas de place. Sauf au Centre hospitalier régional d'Orléans. Mais pas question d'accueillir la patiente pour autant. Le médecin du CHR invoque des raisons incompréhensibles, le ton monte, une formidable engueulade éclate : « Et si c'était ta mère ou ta soeur ? Tu trouverais cela normal ? Tu sais que notre conversation est enregistrée ? OK, s'il arrive quelque chose, ce sera très mauvais. » Heureusement, une demi-heure plus tard, l'urologue de garde à l'hôpital du Mans, devant le tableau clinique de la patiente, ne met que quelques secondes à l'accepter. « C'est trop souvent la loterie, reconnaît le docteur Letellier. Il y a ceux qui vous disent : " Oui j'ai une place mais, tu sais, je suis crevé, j'ai opéré toute la journée." Ou encore les types qui sont de garde et prétextent le programme chargé du lendemain. Or, quand on est de garde, on ne doit pas charger son emploi du temps. Ce que nous voulons, c'est une réponse de l'institution, de l'établissement, pour ne plus avoir à négocier chaque fois. C'est usant, mais surtout cela peut avoir de terribles conséquences pour les patients. »

Caricature de cette situation, la difficulté à accéder aux plateaux de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, recours indispensable pour les patients de la région Centre. Pour d'obscures raisons de sécurité nationale, il n'est pas permis aux hélicoptères du Samu de survoler Paris la nuit, alors que ceux de l'armée ou de la sécurité civile le font régulièrement. Déjà, dans la journée, très peu d'hôpitaux parisiens disposant d'une hélistation, il faut se poser à l'héliport d'Issy-les-Moulineaux-qui ferme au crépuscule-puis transférer le patient en ambulance. « On a clairement une capacité de soins à Paris qui nous est volée la nuit. Les patients qui ne peuvent être transportés par la route n'ont pas droit à la neurochirurgie de la Pitié-Salpêtrière, au plateau d'embolisation du " KB ", à l'unité neuro-vasculaire de Lariboisière. Cela fait six ans que j'écris pour trouver une solution, on ne me répond même pas. »

Mais le docteur Letellier ne désarme jamais. Il prépare les éléments d'une doctrine d'utilisation de l'hélicoptère pour le ministère de la Santé. Depuis deux ans, il a également ouvert une nouvelle route en associant le Samu 28, Eurocopter et la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour mettre en place un système de navigation automatique entre Dreux et Nogent-le-Rotrou, préfiguration de celles que les hélicoptères pourraient utiliser la nuit et par presque tous les temps entre les différents centres de soins. Cette passion pour améliorer le système d'urgence envers et contre tout, il l'a transmise à toute son équipe. Celle-ci se mobilise justement pour une patiente de 63 ans dont la fille a appelé en décrivant de soudains troubles de la parole. Suspicion d'accident vasculaire cérébral. « Madame, c'est très important. Quand les symptômes ont-ils débuté ? Nous avons trois heures pour réaliser le traitement. » Le pilote est déjà dans la salle, prêt à décoller avec une équipe pour rapatrier la patiente vers l'hôpital où elle pourra subir une thrombolyse. Mais le bilan bientôt transmis par le Samu de Chartres est sans appel. Le silence se fait. L'appel était trop tardif. En moins de dix minutes, la patiente a plongé dans un coma irréversible
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