AF447, le mot est laché....

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Marc3
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Marc3 »

Bugs a écrit : jeudi 13 oct. 2022 22:45 Bah, on a les retranscriptions non? C'est l'essentiel...
Seulement des 4 dernières minutes, or l'écoute de l'ambiance du cockpit bien avant l'accident est surement tout aussi éclairante. Ont ils comme 459 cherché une voie de passage, pourquoi avoir foncé dans le rouge, savaient ils se servir du radar mto (^^) ?
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Bugs
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Bugs »

Oui, effectivement. Mais je pensais que les retranscriptions du CVR remontaient plus en avant. Je crois même avoir vu quelque part, le CDB qui disais " je vais me reposer"....
De toute évidence il y a eu un mauvais choix de stratégie face au Cb... Le KLM est passé par la gauche non? Il n'y a que le 447 qui a été tout droit dans le rouge.
Mais au procès, les parties civiles n'auront droit d'ailleurs qu'aux quatre dernières minutes, soit en gros, à partir de la chute, c'est à dire la gestion de l'accident.
Mais le BEA a bien la totalité de l'enregistrement. et donc de l'analyse MTO....
Après, je sais ..... c'est le BEA....
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chomel
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par chomel »

La formation m'a pas mal occupé pendant ma carrière. Les dernières années j'ai pu constater un élagage important dans les connaissances données aux pilotes , pour d' obscures raisons ( économiques et autres....). Un pourcentage important n'avait jamais entendu parler du "coffin corners", par exemple! Beaucoup n'avait jamais pratiqué de décrochage et de son rattrapage, juste l'approche du décrochage avait été enseigné !
Lorsque en 2006, le SFA m'avait contacté, ainsi qu' Airbus, au sujet du cursus que j'avais établi pour la formation des pilotes en Malaisie et en Thaïlande, on m'avait reproché dix séances, d'une demi-heure de voltige (soit cinq heures ) : différents types de décrochage, mise et sorties de vrille ,sortie de virages engagés, sortie de cabré, déroulement de trim, mises dos et sortie dos, évitement face à un obstacle imprévu etc... On m'avait gentiment fait remarquer, que tout cela était inutile avec les avions modernes. L'actualité a fait revenir un peu plus de bon sens...
Au cours de ces rencontres, j'avais insisté sur le fait que les facteurs humains , n'avaient pas à être mis en avant que sur les "crash " mais aussi sur le nombres très important d'accident évité par l'humain ( A 320 Hudson ,A330 Transat aux Açores, B737 Mexicain à Houston,B767 Canada A340 Qantas en Asie ,B737 Hawaî etc ...) Là il n'y a pas de statistiques. Il me semble qu'Airbus a un peu changé sa vision du rôle du pilote ...
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4T60A
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par 4T60A »

chomel a écrit : vendredi 14 oct. 2022 11:45 ... Là il n'y a pas de statistiques. Il me semble qu'Airbus a un peu changé sa vision du rôle du pilote ...
Toute l'industrie, je dirais. Les constructeurs, et les compagnies aériennes. J'étais copi B744 à l'époque de ce terrible accident, et il n'était auparavant nullement question d'UPRT, de séances de mania à haute altitude en situation normale puis dégradée, etc. Je ne me rappelle pas que Boeing ait fait plus qu'Airbus l'emphase sur le pilotage manuel auparavant. Quant aux compagnies, du moins la mienne, c'était silence radio. C'était un non-sujet, d'autant plus qu'en RVSM il était déjà obligatoire de voler au PA. Nous avions bien le document d'AF sur le vol en haute altitude dans le fond de notre doc à l'époque, mais aucun cours ni discussion sur ce sujet lors de nos recurrents annuels..

Cet accident a été un traumatisme pour toute l'industrie du transport aérien. Constructeurs, compagnies, encadrement PNT, programmes de formation. En y réfléchissant en toute honnêteté, combien d'entre nous peuvent affirmer la main sur le coeur que face à la même situation nous aurions pu sauver l'affaire ? :roll:
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Bugs
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Bugs »

Ce qui est terrible dans cet accident, entre autre, c'est que comme le disais feu Jacques Rosay, il suffisait de ne rien faire....
facile à dire assis dans son fauteuil avec un café....
Totalement en accord avec 4T60A sur sa dernière phrase! sur les autres aussi, bien sûr!
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Marc3 »

4T60A a écrit : samedi 15 oct. 2022 16:44 En y réfléchissant en toute honnêteté, combien d'entre nous peuvent affirmer la main sur le coeur que face à la même situation nous aurions pu sauver l'affaire ? :roll:
La bonne question serait plutôt : combien d'entre nous seraient inconsciemment rentrés dans ce merdier sans réfléchir et s'en préoccuper en amont avec un radar mto scotché sur "calibré" alors que AF459 n'a pas hésité à réfléchir et longer la masse d'ouest en est au gain max afin de trouver un passage à pas loin de 150 NM de sa route...Alors les 4 mn généreusement accordées aux familles pour faire passer les trois flèches pour des heros assaillis de toutes parts c'est juste ridicule, ils devraient leur passer les 20 mn qui précédent ou d'après le rapport "sélectif" du BEA personne au poste n'a semblé réaliser qu'ils fonçaient dans la nasse.
Sans parler de Dubois (impossible d'avoir son dossier joint à l'instruction par oukase d'Air France) la tête ailleurs, qui fait passer l'ancien stewart devant l'expérimenté Robert habitué de cette ligne.

Peut être déjà posté 8)

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Marc3
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Marc3 »

Un gros sentiment de gâchis, dilettantisme à tous les étages, sous évaluation des risques, informations peu fluides et bâclées...(Désolé pour le c/c c'est un article abonnés, au passage je trouve que c'est La Tribune" qui rend le mieux compte de ce procès.)
Procès du vol Rio-Paris : la DGAC pointée pour son manque de réactivité face aux givrages de sondes avant l'accident de l’AF447 d’Air France
Cause première ou non de l'accident de l'AF447, le givrage des sondes a joué un rôle indéniable dans l'enchaînement dramatique qui a conduit au crash de l'Airbus A330 d'Air France dans l'Atlantique Sud en 2009. L'autorité française de l'aviation civile, la DGAC, était pourtant au courant de la multiplication de ce type d'évènements dans les mois qui ont précédé l'accident. A l'occasion du procès, 13 ans plus tard, son manque de réaction de l'époque pose question.
Léo Barnier
19 Oct 2022, 17:43

C'était au tour de la DGAC d'être interrogée lors du procès du vol AF447.
Et si le procès d'Airbus et d'Air France dans l'accident du vol Rio-Paris était aussi celui du système ? Bien que n'étant pas sur le banc des accusés, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a été largement pointée du doigt pour son manque de réactivité face à la multiplication des incidents de givrage de sondes dans des compagnies françaises en 2008 et 2009, dans les mois précédant le crash du vol AF447 d'Air France. D'abord soulevée par le tribunal, cette apparente passivité a ensuite fait l'objet de nombreuses attaques venues des parties civiles.
Pendant plusieurs heures, trois responsables de l'époque de la Direction du contrôle de la sécurité (en charge de la sécurité du transport aérien à la DGAC) - Maxime Coffin, directeur du contrôle de la sécurité jusqu'au 31 décembre 2008, Bernard Marcou, directeur technique de la navigabilité et des opérations, et Pierre Bernard directeur technique des personnels navigants depuis janvier 2009 - ont été sous le feu des questions lors de leur témoignage ce mercredi.
Le point central des interrogations adressées à la DGAC est son traitement de l'alerte donnée par la compagnie Air Caraïbes en septembre 2008. Suite à deux événements de givrage de sondes sur ses propres Airbus A330, François Hersen, directeur général d'Air Caraïbes Atlantique, avait adressé une lettre à la DGAC pour signaler le risque potentiel et sa décision de changer les sondes Pitot Thales AA (les mêmes que celles de l'AF447). Pourtant, la DSC (qui deviendra la Direction de la sécurité aérienne fin 2008) ne s'était pas saisie outre mesure du sujet, se contentant de transmettre l'information à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA).

Pour Maxime Coffin, ce courrier « concernait exclusivement » la navigabilité avec une dimension technique et matérielle, et avait pour premier objectif de faire pression sur Airbus « qui ne donnait alors pas de réponse satisfaisante » au problème posé. Selon le patron de la DSC, cela relevait donc de l'AESA, qui avait remplacé depuis 2003 les organisations nationales pour le suivi des questions techniques et matérielles. Il avait donc transmis ce courrier à l'agence européenne et n'avait pas donné d'autre suite en attendant le retour de cette dernière. Maxime Coffin réfute donc avoir « transmis la patate chaude » comme l'a suggéré par un des avocats d'Entraide et Solidarité AF447, mais reconnaît tout de même qu'une telle démarche, avec l'envoi d'une lettre à la DSC, était exceptionnelle de la part d'un patron de compagnie aérienne.
Pour sa part, Bernard Marcou voit dans cette lettre l'expression d'une « exaspération » de la part des compagnies aériennes devant les difficultés d'Airbus à trouver une solution. S'il reconnaît que la DSC puis la DSAC étaient au courant de ces évènement multiples ou des complaintes à l'encontre d'Airbus, il estime qu'il n'avait pas été alerté sur le fait que cela pouvait être un événement grave, et que dans l'état des choses, les compagnies avaient fait ce qu'elles devaient faire : informer les personnels et discuter d'une solution avec le constructeur.
Pour le directeur technique de la navigabilité et des opérations, il n'y avait donc pas lieu pour la DGAC de faire une consigne opérationnelle en attendant une solution de la part d'Airbus : « Avec la procédure et les informations faites par les compagnies, nous avons jugé que nous avions atteint un niveau acceptable ». Interrogé par un des avocats d'Entraide et Solidarité AF447 pour savoir si la dangerosité du givrage des sondes Pitot avait été sous-estimée, Bernard Marcou n'a pas longtemps hésité avant d'affirmer que ce n'était pas le cas « en l'état des connaissances et des tests de l'époque », mais qu'il y avait pourtant bien eu un accident. Il a alors avancé que c'était peut-être la capacité des pilotes à faire face à une situation de surprise qui avait été davantage sous-estimée.
Bernard Marcou est appuyé par Maxime Coffin, qui déclare que « sur les évènements que nous connaissions, la procédure semblait avoir fonctionné » laissant ainsi supposer d'un risque limité. De même, il cite le symposium annuel de la DGAC sur la sécurité des vols de 2008, justement consacré à la question du givrage, où personne n'a soulevé le cas du givrage à haute altitude. Pour lui, ni le retour d'expérience, ni le symposium n'ont fait ressortir cette dangerosité.
Pourtant, comme le note l'avocate du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) ou son confrère d'Entraide et Solidarité AF447, plusieurs rapports de sécurité aérienne (ASR) avaient également été envoyés par les compagnies aériennes, dont neuf émanant d'Air France entre mai 2008 et mars 2009, sans que cela ne déclenche de signal d'alerte.

La présidente du tribunal pose aussi la question de la circulation de l'information entre l'échelon central, en charge de la surveillance d'Air France et la direction Nord, dont dépend Air Caraïbes. Cette dernière a été avertie des incidents d'Air Caraïbes dès la fin août 2008, et si l'échelon central a visiblement eu connaissance de ces évènements, l'information n'était a priori jamais redescendue chez Air France. La compagnie était pourtant à la recherche de cas de givrages de sondes chez d'autres opérateurs, afin de pouvoir les comparer avec les situations similaires qu'elle avait elle-même rencontrées. Pourtant, comme l'a souligné lui-même Maxime Coffin, toute la sécurité des vols est basée sur un principe de retour d'expérience pour se saisir des problèmes qui n'auraient pas été rencontrés ou sous-estimés en phase de certification.

La juge pointe enfin un autre trou dans la raquette du retour d'expérience, avec la base de données européenne ECCAIRS, sur laquelle sont rassemblés les événements de sécurité des différentes compagnies du Vieux continent. Comme le reconnaît Maxime Coffin, faute de logiciel adapté à l'époque, celle-ci n'avait pas permis de faire remonter la multiplication d'occurrence de givrage de sondes, qui aurait pu constituer un signal d'alerte avant le drame de l'AF447.

Léo Barnier
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DC8
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par DC8 »

Merci pour cet article Marc . Rien de bien nouveau sur le problème des sondes. On se renvoie gentiment la balle entre différents responsables dans leur bureaux respectifs, chacun pense avoir agi correctement “ a l’époque” et se dédouane du problème. Air connu .
Sur le CVR complet , il est réellement deplorable mais ne sortira sans doute jamais plus , Proteus est passé par la ( collision au dessus du Paquebot ex “ France” ) . Il apporterait pourtant une réponse possible a la passivité apparente de certains dans le poste .

Continues Marc suivre le procès pour nous , curieux de voir La Défense que va prendre Air France et Airbus . Quoique le résultat final est connu d’avance , peut être jugés responsables mais pas coupables .. comme toujours en France avec les X entre eux .
Marc3
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Marc3 »

DC8 a écrit : mardi 25 oct. 2022 16:33 Quoique le résultat final est connu d’avance , peut être jugés responsables mais pas coupables .. comme toujours en France avec les X entre eux .
Oui de gros risques que cela se termine à la Fabius contaminé.... Cependant la juge Daunis semble pugnace !
J'étais absent mais une relation assiste au procès je lui demanderai un retour d'ambiance ^^
Procès du Rio-Paris : après la DGAC, c'est au tour de l'AESA de se faire étriller sur le cas de l'AF447
C'est le procès d'Airbus et d'Air France, mais cela aurait pu être celui de l'administration. Comme pour la DGAC il y a quelques jours, l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), en la personne de son ancien directeur Patrick Goudou, a dû répondre de son manque de réactivité et son incapacité à se saisir pleinement du sujet du givrage des sondes Pitot avant qu'une catastrophe n'intervienne. Sans compter les attaques sur l'indépendance de l'EASA par rapport à Airbus.
Léo Barnier
25 Oct 2022, 17:13

Le procès s'est poursuivi avec l'audition de Patrick Goudou, ancien patron de l'EASA.

Sale temps pour les autorités de l'aviation civile. Venu témoigner lors du procès de l'accident du l'Airbus A330 d'Air France entre Rio et Paris, Patrick Goudou n'a pas été ménagé. A l'image des représentants de la Direction générale de l'aviation civile française (DGAC) il y a quelques jours, l'ancien directeur exécutif de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), en poste entre 2003 et 2013, a subi pendant plus de deux heures le flot de questions du Tribunal de la part des juges, du ministère public et des avocats des parties civiles. Ces derniers n'ont pas hésité à attaquer frontalement l'ancien fonctionnaire européen, l'un lui demandant s'il n'avait pas « manqué de courage » et un autre lâchant d'un ton acerbe : « Je vous laisse, Monsieur, rejoindre la cohorte des fonctionnaires qui ne sont responsables de rien ».

Avec le passage de l'ancien patron de l'AESA à la barre, le procès de l'accident du vol AF447 s'est donc à nouveau apparenté à un procès du système, avec deux principaux axes d'accusation. Le premier est l'inertie du régulateur européen et des autorités nationales lorsqu'il s'agit de conduire le changement, le second - porté essentiellement par les avocats des parties civiles - est la proximité réelle ou supposée entre l'Agence européenne et le constructeur européen Airbus.
Un retard à l'allumage

La présidente de l'audience a tout d'abord mis en lumière le temps nécessaire à l'AESA pour se saisir du problème de givrage des sondes alors que les autorités américaines, allemandes ou françaises avaient déjà travaillé sur le sujet depuis la fin des années 1990. Elle pointe aussi un incident d'un A330 de la compagnie brésilienne TAM en 2003 qui, selon le rapport du BEA, présente des similarités avec l'AF447 avec le givrage d'au moins deux sondes Pitot à haute altitude, des difficultés de pilotage (actions de forte amplitude dont plusieurs à cabrer, prise d'assiette allant jusqu'à 13°), ainsi que le déclenchement de l'alarme de décrochage à plusieurs reprises mais à laquelle l'équipage a réagi par des fortes actions à piquer. Ce qui aurait pu constituer un signal d'alerte quant à la sous-estimation des risques lors d'occurrences de pertes d'indication de vitesse suite à un givrage de sondes Pitot, qui furent à plusieurs reprises seulement classifiées comme « majeures » par l'AESA et non « critiques », en raison d'une faible probabilité et surtout de l'existence d'une procédure associée à suivre par les pilotes.

Patrick Goudou a alors tenté de rappeler qu'en 2003, son agence est dans sa phase de déploiement initial avec le transfert des compétences jusqu'ici détenues par les agences nationales et la lourde tâche en parallèle de mettre en place une réglementation unifiée européenne, mais la juge a coupé court en affirmant qu'il y avait eu du temps pour réagir entre 2003 et l'accident en 2009. Elle a aussi insisté sur le fait que le cas de TAM montrait dès 2003 que l'application de la procédure « était plus compliquée que ce que l'on pensait ».

Cela n'a pas pour autant empêché Patrick Goudou d'affirmer à plusieurs reprises qu'il n'y avait de raisons de s'alerter en raison du faible nombre d'occurrences (malgré une forte augmentation inexpliquée à partir de 2008) et de ladite procédure. L'ancien patron de l'AESA a également estimé que ses équipes n'avaient pas été inactives sur le sujet, avec le lancement de plusieurs études ayant trait au givrage. A plusieurs reprises, il a d'ailleurs justifié le temps pris par l'Agence pour adapter sa réglementation par le fait qu'elle ne disposait pas de « d'études fiables » sur la physique des cristaux de glace.

Un règlement plus lent que les progrès techniques

Ce fut le cas notamment pour l'un des points les plus parlants, soulevé par l'une des assesseurs de la présidente de l'audience. Celle-ci s'est fortement étonnée du fait que l'Agence, lors de la création de son règlement de certification CS-25 en remplacement du JAR-25, n'ait pas intégré l'élargissement du domaine de vol des avions pour la qualification des sondes Pitot, alors même que les vols commerciaux croisaient bien plus haut que l'altitude prévue dans les textes depuis des dizaines d'années déjà. De même, elle a souligné qu'Airbus imposait des exigences supplémentaires à ses équipementiers depuis 1995 pour que les critères de performance des sondes correspondent mieux à la réalité opérationnelle. Face à ces piques, Patrick Goudou s'est donc abrité derrière le manque de données fiables, malgré les travaux réalisés par le constructeur européen : « Airbus allait dans le bon sens parce qu'il durcissait la réglementation, mais ce n'était pas suffisant pour établir une véritable mesure ».

Il a également rappelé qu'il faut 3 à 4 ans pour faire passer une modification de réglementation, ce qui fera dire à l'assesseure que l'on « a le sentiment d'un effet retard de cette réglementation même par rapport aux exigences des constructeurs [...] alors que la culture de la sécurité doit évoluer plus vite et être plus réactive que ce processus d'élaboration ».

Attaques en règle

Il n'en fallait pas plus pour que les avocats des parties civiles s'engouffrent dans la brèche, eux qui n'ont pas oublié qu'il a fallu plus de deux ans à Patrick Goudou, protégé par son immunité de fonctionnaire européen basé en Allemagne, pour répondre à la convocation de la juge d'instruction Sylvia Zimmermann en charge de l'enquête judiciaire sur le vol AF447. Il était pourtant appelé comme simple témoin. Une charge menée par l'avocat de l'association allemande des familles de victimes HIOP, à laquelle se sont associés par la suite plusieurs de ses confrères, et face à laquelle Patrick Goudou s'est à nouveau réfugié derrière la procédure pour expliquer ces longueurs.

Après un quasi-monologue de plusieurs minutes, pointant notamment les discussions de décembre 2008 entre l'AESA et Airbus lors d'une réunion de suivi de navigabilité, dont l'ordre du jour avait été chamboulé suite à un courrier alarmant d'Air Caraïbes transmis par la DGAC, l'avocat d'HIOP a fini par demander comment un directeur de l'agence européenne de la sécurité aérienne n'avait pas pu être « alarmé » par ces éléments. « Nous avons agi dans le strict respect de la réglementation et de la procédure », s'est défendu Patrick Goudou en engageant des discussions avec Airbus et en confirmant le maintien de la qualification « majeure » pour les occurrences de pertes d'indication de vitesse suite au givrage des sondes Pitot.

S'en sont suivis des échanges houleux entre les deux hommes. Alors que Patrick Goudou tentait d'expliquer que c'était « la tendance » à la hausse du nombre d'occurrence de givrage des sondes Pitot qui avait conduit l'AESA « à prendre les devants » en 2010 pour établir que la perte d'indication de vitesse pouvait aboutir à une condition compromettant la sécurité (« unsafe condition ») et émettre une consigne de navigabilité, la réponse de l'avocat s'est faite cinglante : « Est-ce que la tendance n'était pas plutôt qu'il y avait eu 228 morts ? », ironisant ensuite sur le fait de « prendre les devants » après l'accident et concluant par « j'ai été militaire, je suis content de ne pas avoir été commandé par un chef comme vous ».

Lire aussiProcès du vol Rio-Paris : la DGAC pointée pour son manque de réactivité face aux givrages de sondes avant l'accident de l'AF447 d'Air France
L'AESA a-t-elle les moyens de faire plus ?

C'est également l'assesseure qui a allumé la deuxième mèche, en demandant si l'AESA avait les moyens de faire plus « qu'un contrôle documentaire » des données fournies par Airbus lors de la certification d'un nouvel appareil, et donc de vérifier par elle-même la conformité de l'avion. Face à cela, Patrick Goudou a été bien obligé de rappeler que le département de certification de l'Agence n'a jamais dépassé 200 personnes - avec par exemple seulement 25 ingénieurs dédiés au programme A380 - face aux milliers d'ingénieurs du constructeur, que seul le constructeur à l'ensemble de la documentation de l'avion, et qu'il est donc « trop compliqué de faire les calculs à sa place ».

L'assesseure est même allée plus loin. Elle a souligné le fait que l'AESA ne semblait ne faire que réagir suite aux propositions faites par les constructeurs, même pour l'émission de consignes de navigabilité (qui appellent à des actions impératives à réaliser suite à la détection d'un défaut sur un type d'avion), avant de s'interroger « sur l'indépendance des décisions de l'Agence européenne par rapport aux informations soumises par les constructeurs ». Ce à quoi Patrick Goudou a répondu haut et fort que l'AESA n'était pas « dans la main des constructeurs » ou une simple chambre d'enregistrement, et qu'elle contrôlait des milliers de documents, participait aux essais en vol et n'hésitait pas à pousser Airbus dans ses retranchements lorsque cela était nécessaire.


Le retour de la patate chaude

Et là encore, c'est l'avocat de l'association allemande HIOP qui s'est montré le plus cinglant : « le fait que Airbus soit un consortium européen et que vous soyez à la tête d'une agence européenne de la sécurité aérienne, a-t-il été de nature à créer une indulgence dans la relation entre les deux entités ? » Et lorsque Patrick Goudou a affirmé qu'il n'y avait « aucune indulgence », l'avoué a lâché en guise de conclusion : « Je vous laisse, Monsieur, rejoindre la cohorte des fonctionnaires ne sont responsables de rien ».

Ne manquant pas l'occasion de rebondir sur ce propos, et faisant référence à l'audition précédente de membres de la DGAC, un des avocats de l'association française Entraide et Solidarité AF447 a poursuivi le tir nourri à l'encontre de l'ancien directeur de l'AESA : « Nous représentons des familles de victimes qui ne savent qu'une seule chose, c'est que leurs proches sont morts dans une catastrophe et que nous voyons depuis le début du procès un défilé de hauts fonctionnaires dont nous avons l'impression qu'ils se refilent la patate chaude », chacun se renvoyant la balle au gré de la répartition des compétences sans jamais assumer la pleine responsabilité.

Léo Barnier
Modifié en dernier par Marc3 le mercredi 26 oct. 2022 4:35, modifié 2 fois.
Marc3
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Marc3 »

Procès Rio-Paris : la défense d'Airbus et d'Air France a du mal à passer
Après les experts judicaires, le Tribunal correctionnel de Paris a vu passer plusieurs témoins venus d'Airbus et d'Air France, appelés par les avocats de la défense. L'occasion pour elles d'étayer leurs stratégies dans le but d'obtenir la relaxe. Mais cela a aussi contribuer à accroître l'ire des familles de victimes à leur encontre.
Léo Barnier
21 Oct 2022, 18:34

Les explications d'Air France et d'Airbus peinent à trouver de l'écho chez les parties civiles.

C'est sans doute une lapalissade, mais les arguments avancés par Airbus et Air France dans le procès de l'accident du vol AF447 ont du mal à convaincre les parties civiles. « Airbus n'aurait-il rien pu faire pour éviter ce drame ? » ou encore « est-ce qu'Air France a mal fait quelque chose ? », a ainsi-t-on pu entendre ces derniers jours au Tribunal correctionnel de Paris, chargé de juger le constructeur et la compagnie aérienne pour homicides involontaires.

S'il y a des différences, la ligne de défense d'Airbus comme d'Air France repose en grande partie sur le fait que les pilotes n'ont pas compris la situation, et que de fait ils n'ont pas appliqué la procédure prévue en cas de perte d'indications de vitesse puis d'alarme de décrochage et qu'ils n'ont pas maîtrisé la trajectoire, ou encore que les rapports des pilotes sur les précédents incidents ne permettaient pas à l'époque de saisir l'imminence du risque d'accident.

Un équilibre délicat pour ne pas enfoncer les pilotes

Une stratégie qui nécessite un certain équilibre pour se dédouaner de toute faute pénale sans accabler pour autant l'équipage mort dans l'accident il y a treize ans. Et surtout une stratégie qui ne passe pas auprès des parties civiles, constituées en grande partie par les proches et familles de victimes ou de l'équipage et par des syndicats de pilotes. D'autant qu'une partie d'entre elles n'hésite pas à affirmer haut et fort que les pilotes ne sont en rien responsables du crash de l'Airbus A330 d'Air France.

Comme depuis le début du procès, c'est Airbus qui est tenu comme principal responsable par les parties civiles. Marc Parisis, responsable du soutien aux compagnies aériennes au moment des faits et resté au sein du constructeur jusqu'à sa retraite l'an dernier, en a fait l'expérience. Il était cité comme témoin par Airbus, après en avoir été le représentant pendant l'instruction, soit une dizaine d'années.

Après avoir été interrogé pendant une heure et demie par la juge Sylvie Daunis et ses deux assesseurs, il a ensuite fait face aux questions des avocats des parties civiles : « En conscience, dans le silence de votre réflexion, est-ce que qu'Airbus n'a aucune responsabilité causale ? Airbus n'aurait-il rien pu faire pour éviter ce drame ? », « Je ne comprends pas comment on peut nous dire que les passagers n'ont rien ressenti », « Avez-vous la conviction qu'Airbus ait répondu de manière rapide, efficace et sérieuse aux incidents de givrage des sondes Pitot ? », « Si les choses étaient si claires, c'est donc que les pilotes étaient très mauvais ? [...] Moi, j'ai plutôt tendance à penser que c'était une sous-estimation du risque et une mauvaise information ». Une séquence marquée par le départ de plusieurs membres de l'association Entraide et Solidarité en plein milieu de l'audience, et qui n'ont pas souhaité revenir par la suite alors que c'était au tour des questions de la défense.

D'abord constant, Marc Parisis a tout de même fini par accuser un peu le coup, mais est tout de même resté sur sa ligne. A savoir que les pilotes n'avaient pas eu d'objectifs de pilotage à partir du passage en pilotage manuel, du moins en assiette, et que rien ne semble pouvoir justifier les actions à cabrer longues et répétitives qui ont conduit l'avion jusqu'au décrochage. De même, il estime qu'Airbus a fait ce qu'il devait faire face aux précédents incidents, ainsi que par la suite pour découvrir ce qui avait pu se passer et déterminer les responsabilités de chacun. Et c'est sans doute cette partie qui fut jugée insupportables par les familles.

Un ex-Air France pointe aussi Airbus

Quelques jours plus tôt, c'était le tour d'Etienne Lichtenberger, Directeur de la sécurité et de la qualité aux Opérations aériennes d'Air France jusqu'en mars 2009 puis nommé directeur corporate de la sécurité trois mois avant le drame. Si les grandes lignes de son témoignage s'alignaient avec celles d'Airbus, il y a tout de même eu des différences notables. Pour lui, il n'est pas possible qu'un pilote d'Air France prenne 12° d'assiette sans raison. Les actions à cabrer sont donc dues à une représentation inversée de la situation, avec une fausse perception de survitesse. Et de fait, si le pilote aux commandes a tiré sur le manche pendant 12 secondes de suite de façon consciente, au-delà de l'effet de surprise initiale, c'est dans le but assumé de réduire cet excès de vitesse. Ce qui lui a valu également son lot de questions destinées à le pousser dans ces retranchements : « Le fait causal est donc du côté des pilotes, pas de la compagnie ? » « Est-ce qu'Air France a mal fait quelque chose ? ».
Mais Etienne Lichtenberger s'est vu aussi poser des questions tournées vers Airbus, notamment une destinée à mettre à mal toute possibilité de solidarité entre les deux co-accusés : « Airbus a-t-il sous-estimé la gravité de la défaillance des sondes ? Soyez libre de votre parole, vous êtes témoin. Vous avez dans la salle des familles et cette question à un sens. » Et au vu de la réponse, et d'autres, elle a été efficace. L'ancien cadre pilote d'Air France a ainsi déclaré : « La question que vous posez est grave. Bien évidemment. Lorsque l'on constate qu'un accident est intervenu, c'est que d'une certaine manière nous avons sous-estimé la gravité des incidents préalables et donc je ne peux pas répondre autre chose. ». Il a ensuite rappelé qu'il était difficile de savoir à l'époque ce qui aurait dû être fait pour éviter le drame, alors qu'une partie des réponses et des connaissances nécessaires ne sont arrivées que plus tard. Il a également insisté à plusieurs reprises sur le fait qu'Air France avait transmis les rapports d'incident (ASR) à Airbus, que la compagnie avait demandé au constructeur si des mesures s'imposaient, et qu'elle s'était conformée à son avis de ne rien changer.

Mais en dépit de ce discours, et au contraire de Marc Parisis, Etienne Lichtenberger a plus facilement assumé une part de responsabilité. Une pensée synthétisée dans sa réponse à la question de savoir si Air France avait fait quelque chose de mal : « Air France n'a pas tout fait bien, mais je suis incapable de dire avec certitude quelles sont les formations et les éléments d'information qu'il aurait fallu donner pour être sûr que cet accident n'arrive pas. »
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DC8
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Message par DC8 »

Pour lui, il n'est pas possible qu'un pilote d'Air France prenne 12° d'assiette sans raison. Les actions à cabrer sont donc dues à une représentation inversée de la situation, avec une fausse perception de survitesse. Et de fait, si le pilote aux commandes a tiré sur le manche pendant 12 secondes de suite de façon consciente, au-delà de l'effet de surprise initiale, c'est dans le but assumé de réduire cet excès de vitesse
Non , pas 12 secondes, mais plus de 3 minutes :roll:

Cela a toujours ete la defence d'AF et du SNPL; des indication de survitesse , mais jamais prouvees , juste le copi qui dit pour se justifier de cabrer "j'ai l'impression que l'on a une vitesse de fou "(2.12.04).et a 2.10.56 il applique TOGA , mais passer sur TOGA en survitesse ???
a 2.13.40 il annonce : "je suis a fond a cabrer depuis le debut",(et ce avec des alarmes "stall "aussi depuis le debut). a 12.13.46 :"on est toujours en TOGA" ( 40 secondes avant de percuter la mer) . Mais bon , je n'etais pas dans le cockpit .

Par contre le rapport du BEA est pourtant assez clair :
Bien qu’ayant identifié et annoncé la perte des indications de vitesse, aucun des
deux copilotes n’a appelé la procédure « IAS douteuse ».
ˆ Les directeurs de vol n’ont pas été désengagés.
ˆ Les copilotes n’avaient pas reçu d’entraînement, à haute altitude, à la procédure
« vol avec IAS douteuse » et au pilotage manuel.
ˆ La vitesse affichée sur le PFD gauche n'a été erronée que pendant 29 secondes, la vitesse
de l’ISIS pendant 54 secondes, et la vitesse affichée sur le PFD droit pendant au
maximum 61 secondes.
ˆ En moins d’une minute après le désengagement du pilote automatique, l’avion
est sorti de son domaine de vol à la suite d’actions de pilotage inadaptées
Rien qu'avec ces conclusions -la il sera difficle a AF de s''en sortir moralement vis a vis des familles. Mais coupables ? je ne suis pas dans la tete des juges...
Marc3
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Message par Marc3 »

DC8 a écrit : jeudi 27 oct. 2022 20:28
Pour lui, il n'est pas possible qu'un pilote d'Air France prenne 12° d'assiette sans raison. Les actions à cabrer sont donc dues à une représentation inversée de la situation, avec une fausse perception de survitesse. Et de fait, si le pilote aux commandes a tiré sur le manche pendant 12 secondes de suite de façon consciente, au-delà de l'effet de surprise initiale, c'est dans le but assumé de réduire cet excès de vitesse
Non , pas 12 secondes, mais plus de 3 minutes :roll:

Cela a toujours ete la defence d'AF et du SNPL; des indication de survitesse , mais jamais prouvees , juste le copi qui dit pour se justifier de cabrer "j'ai l'impression que l'on a une vitesse de fou "(2.12.04).et a 2.10.56 il applique TOGA , mais passer sur TOGA en survitesse ???
a 2.13.40 il annonce : "je suis a fond a cabrer depuis le debut",(et ce avec des alarmes "stall "aussi depuis le debut). a 12.13.46 :"on est toujours en TOGA" ( 40 secondes avant de percuter la mer) . Mais bon , je n'etais pas dans le cockpit .

Par contre le rapport du BEA est pourtant assez clair :
Bien qu’ayant identifié et annoncé la perte des indications de vitesse, aucun des
deux copilotes n’a appelé la procédure « IAS douteuse ».
ˆ Les directeurs de vol n’ont pas été désengagés.
ˆ Les copilotes n’avaient pas reçu d’entraînement, à haute altitude, à la procédure
« vol avec IAS douteuse » et au pilotage manuel.
ˆ La vitesse affichée sur le PFD gauche n'a été erronée que pendant 29 secondes, la vitesse
de l’ISIS pendant 54 secondes, et la vitesse affichée sur le PFD droit pendant au
maximum 61 secondes.
ˆ En moins d’une minute après le désengagement du pilote automatique, l’avion
est sorti de son domaine de vol à la suite d’actions de pilotage inadaptées
Rien qu'avec ces conclusions -la il sera difficle a AF de s''en sortir moralement vis a vis des familles. Mais coupables ? je ne suis pas dans la tete des juges...
100% juste DC8,...
Et la note de l^'osv noyée dans le casier après madagascar et la chine : personne ne l'a lu
Au procès du vol Rio-Paris, les témoignages terrifiants des pilotes d’Air France confrontées à des pannes similaires à celles de l’AF447
Trois pilotes d'Air France en 2009 sont venus témoigner à la barre mercredi. Ces derniers sont revenus sur les conditions de formation et de sécurité dans la compagnie avant la catastrophe de l'AF447 sans les mettre en cause. Deux des pilotes ont toutefois fait le récit de pannes des indicateurs de vitesse similaires à celle du Rio-Paris qu'ils ont subies et rapportées à Air France quelques mois avant la catastrophe.

Les pilotes ou ex-pilotes d'Air France appelés à la barre ont dû se plonger dans des souvenirs vieux de plus de treize ans, antérieurs à la catastrophe de l'AF447 qui fit 228 victimes le 1er juin 2009. Cités par le parquet, trois d'entre eux sont venus témoigner sur la manière dont la compagnie aérienne préparait ses pilotes aux incidents avant le crash. Trois pilotes qui ont travaillé dans des conditions de vol très proches de celles du Rio-Paris.
Deux d'entre eux ont raconté leur expérience lorsqu'ils furent confrontés à des incidents de givrage des sondes Pitot similaires à celui qui a précipité la disparition de l'AF447. Ils ont chacun fait le récit de leur perte des indications de vitesse à haute altitude, l'un au-dessus de la Chine et l'autre au-dessus du Soudan (le vol Paris-Antananarivo, évoqué à de nombreuses reprises pendant le procès), tous les deux en août 2008. Soit neuf mois avant le crash de l'Airbus A330 d'Air France.
« En limite de couche nuageuse, on a commencé à avoir des turbulences. J'ai attaché mes passagers, puis plus de turbulences, j'ai attaché mon équipage. On a senti une odeur de brûlé au poste de pilotage, puis ça a été le festival », a expliqué le pilote du vol au-dessus du Soudan. « Toutes les pannes se sont déclenchées. (...) On s'est retrouvé sur un moment un peu de sidération » avec « des alarmes qui vous sautent à la figure », a raconté le sexagénaire.
Confronté à la perte de ses indications de vitesse et au déclenchement de l'alarme de décrochage, ce dernier avait dû lancer un appel de détresse, un « Mayday », pour la seule fois de sa carrière, et s'était retrouvé à piloter l'avion à haute altitude en manuel. Il avait baissé d'altitude et avait progressivement récupéré les indications de vitesse. Face à des indications contradictoires, « deux choses m'ont sauvé dans cette histoire », estime-t-il : sa pratique personnelle du vol en planeur et une « petite expérience » du pilotage manuel en haute altitude.
« En descente, nous avons eu un martèlement sur le cockpit » : pour lui, il s'agissait de « grêlons », l'avion ayant traversé un « genre d'orage qui ne peut pas être détecté au radar ». Son copilote, qui avait « très peu d'expérience » sur ce type de vol, peinait à lire les indications, a poursuivi le témoin : « c'est un peu comme si vous vous trouviez au Space mountain et que vous essayiez de lire un livre ». Puis les indications de vitesse sont revenues, il a pu rebrancher le pilote automatique, et annuler le Mayday. A ce moment-là, il a expliqué avoir « pensé à une éruption volcanique » mais pas à un givrage des sondes Pitot.

Son récit est très proche de celui du précédent témoin, un ancien pilote et instructeur, confronté au même problème dans le ciel de Chine. Sans se connaître, les deux pilotes ont rapporté l'incident au bureau technique de la compagnie. Ils ont ensuite réalisé qu'ils étaient respectivement les cinquième et sixième pilotes à subir ce problème sur l'année 2008.
Le 6 novembre 2008, Air France a diffusé une note de sécurité sur la panne dans les casiers des pilotes. « Je l'ai eue, mais comme quelque chose qui n'était pas exploitable
», a affirmé le pilote qui s'était retrouvé en difficulté au-dessus du Soudan. Mais il sous-entend que la réaction de la compagnie à ces incidents n'était pas suffisante. « Je pense que si ça avait été traité comme ça aurait dû être traité, on ne serait pas là aujourd'hui », a-t-il pointé.

Une déclaration qui ramène à l'une des questions centrales du procès : Air France avait-elle correctement formé et informé ses pilotes pour affronter une panne comme celle des indicateurs de vitesse qui a précipité la catastrophe ?
Le crash du Rio-Paris a en effet ébranlé l'entreprise et ses pilotes, modifiant en partie leur formation continue a admis le troisième pilote (le premier a être passé à la barre). « Après l'accident, ça a été compliqué de retrouver de la confiance. Je ne suis pas retourné sur des vols vers Rio pendant deux ans. Beaucoup de stewards ne voulaient plus effectuer cette liaison », s'est remémoré le premier pilote à témoigner, arrivé chez Air France en 2005 et qui avait effectué la liaison Rio-Paris deux jours avant le drame.
« Il y a eu un changement de culture par rapport au maintien des compétences des pilotes, qui est devenu beaucoup plus axé sur la pratique », a-t-il poursuivi avant d'indiquer qu'il n'avait jamais été confronté au problème spécifique de gel des sondes de vitesses. Et qu'il n'en avait jamais entendu parler.
Les trois pilotes n'ont pas particulièrement remis en cause la formation dispensée par Air France dans leur témoignage. Le premier pilote à la barre a détaillé ses périodes de formation entre les nombreux apprentissages théoriques des systèmes de commandes puis le passage au pilotage en simulateur et en cockpit.
Sur l'entraînement des pilotes à gérer une situation stressante, le quadragénaire a logiquement reconnu que le simulateur ne pouvait pas reproduire les conditions de tension extrême, mais que la compagnie s'efforçait d'aguerrir ses pilotes en organisant des séances de simulateur dans des conditions de fatigue, très tôt ou très tard.
L'ancien instructeur, malgré son incident de perte d'indication de vitesse au-dessus de la Chine, n'a pas plus critiqué les conditions de formation et de sécurité. La compagnie, sur laquelle il a volé pendant près de 30 ans, avait selon lui « un haut niveau de conscience quant à la sécurité des vols » dans la période précédant le drame de 2009.
Leo Barnier
Qu'est ce qui est inexploitable dans cette info OSV ?
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Marc3
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Marc3 »

Air Caraïbes :
L'effet de surprise ressenti par les pilotes du vol AF447 face à la perte des indications de vitesse a assurément joué un rôle clef dans le déroulement du drame qui coûta la vie à 228 personnes en juin 2009. Pourtant, les signes avant-coureurs de cette catastrophe ne manquaient pas, à commencer par les deux incidents intervenus moins d'un an plus tôt sur les Airbus A330 d'Air Caraïbes, dont un « quasi-accident », selon son président à l'époque, François Hersen, appelé à témoigner au procès. Léo Barnier.

Depuis le début du procès du Rio-Paris, le cas d'Air Caraïbes apparaît comme un élément central pour mieux appréhender ce qui a pu se passer dans le cockpit du vol AF447 d'Air France en juin 2009. Lors de l'été 2008, la compagnie antillaise a connu coup sur coup deux cas de givrage simultané des tubes Pitot sur ses Airbus A330-200, équipés de sondes Thales AA (les mêmes que celles de l'AF447), dont l'un d'entre eux a perdu ses indications de vitesse pendant deux minutes et trente secondes. L'équipage s'en est sortie sans dommages, en grande partie grâce au sang froid de l'un des ses commandants de bord, également instructeur, ce qui lui vaut aujourd'hui d'être largement cité en exemple par les diverses parties du procès : les uns pour dire qu'il fallait un talent exceptionnel pour se sortir d'une telle situation, les autres pour affirmer que le focus sur la trajectoire et l'application de la procédure permettaient de parer à cette situation. L'audition de François Hersen, ancien président d'Air Caraïbes Atlantique, l'entité long-courrier du groupe, était donc très attendue.
En dépit de quelques malentendus initiaux, François Hersen ne se rappelant plus avoir été auditionné par la Gendarmerie des transports aériens (GTA) ou ne jugeant pas nécessaire de faire une déposition spontanée en préambule de son témoignage comme le prévoit la loi, l'ancien dirigeant retrace petit à petit le récit des événements qui se sont déroulés voilà quatorze ans.

Quasi accident :
Confronté à deux cas de perte totale des indications de vitesse suite au givrage des sondes Pitot à quelques jours d'intervalle, François Hersen se souvient de sa surprise à l'époque : « Nous connaissions la vulnérabilité des sondes Pitot, mais perdre les trois était quelque chose de très surprenant. » Et s'il juge que le second cas était moins sévère, il affirme que le premier événement « n'était pas un incident, mais un quasi-accident » avec la nécessité « d'aller très vite et dans tous les domaines ». Il établit ce caractère grave en raison de la perte totale d'indication de vitesse en haute altitude « où les marges de manœuvre sont réduites », mais aussi de la combinaison de cette panne avec le déclenchement de l'alarme de décrochage (stall warning) et des conditions de vol très difficiles (vol de nuit, turbulences, grêle, feux de Saint-Elme).
L'un des heureux hasards de ce vol d'Air Caraïbes Atlantique est que le commandant de bord, Monsieur Sirven, était ce jour-là en instruction avec un futur commandant et avait décidé de lui faire travailler les cas de givrage en haute altitude. Comme l'indique François Hersen, ils avaient donc répété les procédures et les actions à appliquer avant le vol et ont donc « tout de suite compris qu'il s'agissait d'un givrage de Pitot ». Cette affirmation soulève plusieurs éléments. Tout d'abord la question de l'identification des risques de givrage à haute altitude : plus rares et a priori moins dangereux que les givrages à basse altitude, en dépit d'une forte accélération du nombre de cas en 2008 et 2009, ils étaient absents des cursus de formation qui se concentraient davantage sur les cas au décollage ou à l'atterrissage. Mais, visiblement, ils étaient tout de même connus des compagnies et pris en compte. D'autant que la formation d'Air Caraïbes Atlantique reposait alors sur les services d'Airbus Training, pour la formation initiale comme récurrente. De même, François Hersen affirme que les alarmes Stall figuraient bien dans la documentation du constructeur et que celui-ci avait également bien communiqué sur la problématique des pertes d'indication de vitesse en décembre 2007.

Ensuite, la question de l'identification : au contraire de l'AF447, où les pilotes n'ont visiblement jamais compris que les Pitot avaient givré, les pilotes d'Air Caraïbes n'ont « pas été plus surpris que cela » et ont rapidement éclairci la situation. Il n'est néanmoins pas possible de savoir si cela aurait été le cas sans la préparation de cet exercice au préalable.

François Hersen réfute pour autant le terme de chance, affirmant que ce cas était dans les procédures, que cela fait partie du métier, et que le commandant Sirven avait fait cet exercice au vu des conditions météorologiques particulières présentes ce jour-là, parlant au mieux de « chance provoquée ».
Au-delà du fait de ramener l'avion à bon port, Air Caraïbes s'est illustrée par son comportement proactif par la suite pour mettre l'accent sur la dangerosité de cette situation - ce qui est reproché à Airbus et Air France, mais aussi aux institutions françaises (DGAC) et européenne (AESA). Les deux notes rédigées à la suite de ces incidents ont d'ailleurs été citées en exemple par certains experts, en raison de leur niveau de détails dans la retranscription des sensations ressenties par les pilotes face à cette situation et la procédure à appliquer. Une précision qui a permis à ces notes d'être assimilées par les pilotes.

Averti dès le signalement du premier évènement, François Hersen assure qu'un débriefing a eu lieu dans la foulée et que les équipages suivants ont été avertis aussitôt « des conditions rencontrées et des actions à prendre ». Outre la réactivité reconnue du groupe Air Caraïbes piloté par Jean-Paul Dubreuil et Marc Rochet, la transmission de l'information a été facilitée par la taille réduite de la compagnie sur le long-courrier, dotée de cinq A330 à l'époque. Dans la foulée, la compagnie a aussitôt transmis les rapports d'incident rédigés par les pilotes (ASR) à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) et des contacts ont été pris avec Airbus le jour même avec l'envoi des données de vol. Les contacts se sont ensuite multipliés avec le constructeur, qui a rapidement soupçonné le givrage des Pitot pour les deux cas rencontrés, selon l'ancien président d'Air Caraïbes Atlantique.

En dépit d'un premier retour rapide de la part d'Airbus, François Hersen pointe tout de même « un problème » dans sa réaction. Il dénonce ainsi l'aller-retour fait par le constructeur qui a d'abord préconisé de changer les sondes Thales AA par des BA - ce que fera très rapidement Air Caraïbes ou encore XL Airways au contraire d'Air France qui ne prendra cette décision que le 27 avril 2009, quatre jours avant l'accident - avant de dire quelques jours après que cela n'était pas forcément plus efficace sans proposer d'autres solutions. Il estime tout de même qu'un travail important a été abattu au niveau des équipes de maintenance pour contrôler l'état et l'entretien des équipements, et des équipes de formation pour vérifier les procédures. Ce qui ne l'a pas empêché d'envoyer quelques courriers « peu diplomatiques » à Airbus afin d'accélérer les choses.

Face à la dangerosité d'un givrage des sondes Pitot, François Hersen estime aussi que la préconisation d'Airbus, un bulletin de service (SB), est passée inaperçue et qu'elle aurait dû devenir une consigne de navigabilité (AD) obligatoire. Il a donc écrit à la DGAC pour lui demander d'alerter l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), seule à même d'émettre ce type de consigne. Les délais de réaction des deux institutions, soulignés par l'avocat de l'association des familles de victimes allemandes HIOP, font dire à François Hersen qu'elles n'ont pas saisi à l'époque la dangerosité de cette affaire.
Il faudra en effet six mois à l'AESA pour revenir vers la DGAC à ce sujet, après avoir abordé à plusieurs reprises le sujet avec Airbus sans qu'aucune modification ne soit apportée quant aux procédures ou à la classification de ce type d'événement. Sur ce dernier point, François Hersen estime que l'agence européenne aurait sans doute dû revoir la classification de ce type de panne jugée « majeure » et non « critique », même s'il admet un peu plus tard dans son témoignage que ce libellé n'est pas choquant.

Enfin, il estime que la DGAC aurait dû diffuser l'information sur les incidents survenus chez Air Caraïbes beaucoup plus rapidement aux autres compagnies, comme cela avait été fait à l'échelon local par la section Nord de la Direction du contrôle de la sécurité. Celle-ci a averti les compagnies placées sous sa supervision, dont Air Caraïbes, XL Airways et Corsair, mais pas vers Air France qui dépendait de l'échelon central.
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par DC8 »

Encore une fois merci Marc pour cet article . Rien de bien nouveau a apprendre . Une commentaire sur cela :
Enfin, il estime que la DGAC aurait dû diffuser l'information sur les incidents survenus chez Air Caraïbes beaucoup plus rapidement aux autres compagnies, comme cela avait été fait à l'échelon local par la section Nord de la Direction du contrôle de la sécurité. Celle-ci a averti les compagnies placées sous sa supervision, dont Air Caraïbes, XL Airways et Corsair, mais pas vers Air France qui dépendait de l'échelon central.
J'aivais déjà lu cela avant mais , comment est-ce possible ?
Pourquoi un Traitement different pour AF qui a ma connaissance est aussi domicilié en Region Nord non ? et une Securite Regionale ? a l'epoque de l' EASA !
Quelqu'un ici aurait-t-il l'explication ?
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Bugs »

Je me pose la même question que toi DC8....
Incompréhensible! Mais la technocratie n 'a pas finie de nous étonner...
La DGAC, l'EASA étaient au courant et pas AF?.... tss tss...
Le rapport mathématique entre la surface alaire et le poids du bourdon démontre qu'il lui est impossible de voler. Mais le bourdon l'ignore, c'est pourquoi il vole... (I. S.)
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Marc3 »

DC8 a écrit : lundi 07 nov. 2022 11:51 Pourquoi un Traitement different pour AF qui a ma connaissance est aussi domicilié en Region Nord non ? et une Securite Regionale ? a l'epoque de l' EASA ! Quelqu'un ici aurait-t-il l'explication ?
Peut être des chicaneries, des aigreurs, des jalousies va savoir ! Ca fait longtemps que j'ai renoncé à comprendre les relations politiques souvent polluées entre les régulateurs et administrateurs de ce métier un peu comme les compromissions à l'époque des polytechniciens complices de la DGAC, du BEA et d'Airbus !
Là on va renter dans le dur avec les auditions d'Air France qui commencent aujourd'hui.
PS : je suis sidéré en lisant les retraités AF notamment ce clown de Jean-Louis Clément alias MO92, une cour de récréation pour désoeuvrés.
Marc3
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Marc3 »

Content de lire que David Robert ait enfin re4u une reconnaissance, même si elle est posthume...Le copi senior le plus expérimenté sur cette ligne
Quand AF cessera d'upgrader des hotesses à couilles comme Naud et Bonin Le Bredin il y aura moins d'accident.
comment Airbus soutient la thèse de l'erreur de pilotage sans accabler les pilotes d'Air France de l'AF447
Devant une salle comble, Airbus a débuté son interrogatoire dans le procès de l'accident de l'AF447, l'A330 d'Air France tombé en mer le 1er juin 2009. Si le constructeur ne démord pas de l'erreur de pilotage, il se garde bien de remettre en cause la compétence intrinsèque des pilotes montrant même qu'ils ont agi efficacement à un (seul) moment.
La salle d'audience 2.01 du tribunal correctionnel de Paris n'avait pas été aussi remplie depuis le premier jour du procès de l'accident du Rio-Paris. Une seule raison à cela : la présence d'Airbus à la barre. L'intérêt pour l'interrogatoire du constructeur dépasse ainsi celui d'Air France la semaine passée. Pendant sept heures son représentant, Christophe Cail, ancien chef pilote d'essai chez Airbus et actuellement conseiller opérationnel du directeur de la sécurité des vols, a répondu aux nombreuses questions des juges - ou plus exactement aux questions de l'une des trois juges qui a littéralement pris l'interrogatoire en main. Sans véritable rebondissement, cette séquence s'est tout de même distinguée par un infléchissement de la position d'Airbus vis-à-vis des pilotes. Ou du moins une recherche de subtilité.
Se voulant didactique, Christophe Cail a demandé à débuter son interrogatoire par une nouvelle vidéo avec une modélisation numérique reproduisant les derniers instants du vol. Si cette requête a été acceptée, la présidente du tribunal a tout de suite posé des limites à l'exercice. Le représentant d'Airbus n'a pas eu le droit de séquencer la vidéo pour appuyer sa démonstration, et a dû se contenter de commenter en direct et sans pause les quatre dernières minutes du vol AF447.
Pas de couple à cabrer à TO/GA
Par la suite, beaucoup de domaines déjà largement étudiés ces dernières semaines (sondes, classification de la panne, procédures, directeurs de vol...) ont été à nouveau explorés à la lumière des réponses d'Airbus. Apportant souvent des précisions par rapport aux précédents témoins sur la communication faite aux compagnies et pilotes, sur le ressenti du deterrent buffet à bord (vibrations préalables au décrochage), sur les indications de perte de vitesse ou les lois de pilotage, Christophe Cail s'est parfois opposé à certains d'entre eux sur des points précis.

L'ayant lui-même fait lors d'essais, il a fermement affirmé que lors d'une mise en poussée maximale (« take-off/go-around ») en haute altitude, l'effet de couple pouvant faire monter l'avion était quasiment imperceptible, voire nul contrairement à ce qu'avaient déclaré certains pilotes avant lui. Cette poussée maximale, prévue dans la procédure de décrochage à l'époque mais supprimée peu de temps après, n'a donc pas fait monter l'avion à l'insu des pilotes, n'était pas préjudiciable à la sécurité et pouvait donc être appliquée. Pour rappel, selon le changement de procédure décidé à là suite d'un autre accident quelques mois plus tôt, là où il fallait mettre simultanément la poussée maximale et une action à piquer, l'objectif prioritaire était désormais de réduire en premier lieu l'incidence en faisant baisser le nez et ensuite ajuster la poussée.
Un équipage intéressant
Pourtant, c'est à travers deux autres séquences que le représentant d'Airbus s'est illustré, en évoquant l'attitude des pilotes. La ligne de défense du constructeur n'a pas évolué, à savoir que ce sont les actions des pilotes qui ont sorti l'A330 de son domaine de vol et que certaines actions sont incompréhensibles à ses yeux, mais Christophe Cail a introduit une subtilité. L'ancien pilote d'essai a valorisé l'équipage, montrant qu'à un certain moment celui-ci a fonctionné à nouveau : « Je trouve intéressant cet équipage qui veut maîtriser la trajectoire et qui commence à bien faire ». Il fait ainsi référence à la courte séquence qui s'est déroulée une vingtaine de secondes après la déconnexion du pilote automatique consécutive à la perte d'indications de vitesse.
A ce moment-là, le pilote aux commandes (pilote en fonction ou PF) a déjà appliqué « une action à cabrer qui fait augmenter l'assiette de l'avion jusqu'à 11° en dix secondes » selon le rapport du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA). Une action à cabrer qui ne s'explique pas Christophe Cail, que ce soit par la correction de la perte (fictive) de 300 pieds (90 m), l'effet de sursaut ou encore l'impression de survitesse.
Pour la suite, en se référant aux enregistreurs de vol, le représentant d'Airbus estime que le pilote non en fonction (PNF, chargé des communications, de la lecture des check-lists et de la supervision du pilote aux commandes) contient alors l'effet de surprise et reprend son rôle de « monitoring ». Il lit les informations sur le système de surveillance électronique centralisée de l'avion (ECAM) et ordonne au pilote aux commandes de redescendre. Pour l'ancien pilote d'essai, le PNF remplit alors pleinement sa fonction, avec « autorité », ce qui a un effet positif avec un pilote aux commandes qui « obéit ». Celui-ci « fait alors plusieurs actions à piquer qui ont pour conséquence de réduire l'assiette et la vitesse verticale », comme le rapporte le BEA.
C'est alors que le PNF sort à nouveau de son rôle, selon Christophe Cail, qui n'« explique pas pourquoi il arrête son monitoring » pour basculer les instruments du pilote aux commandes sur des sources anémométriques et inertielles de secours, et appelle à de nombreuses reprises le commandant de bord, alors en phase de repos. Selon le représentant d'Airbus, il l'appelle sept fois en 35 secondes.
Des possibilités de s'en tirer
A travers cette déclaration, Christophe Caille tente visiblement de montrer que lorsque l'équipage a rempli son rôle, la situation était maîtrisable même après les premières actions à cabrer : « C'est dramatique car là, ils avaient vraiment une occasion de s'en sortir. S'il (le pilote non en fonction) avait continué son monitoring, le pilote de droite (pilote en fonction), qui est sans doute un peu perdu à ce moment-là, aurait continué à descendre ». De fait, dès la fin de cette séquence de travail en équipage, le pilote en fonction reprend ses actions à cabrer qui entraîne le déclenchement de l'alarme de décrochage.

A en croire Airbus, si l'équipage était allé « jusqu'au bout », il aurait pu récupérer l'appareil à ce moment-là et s'en sortir sans dommage. « S'ils étaient redescendus, nous ne serions pas là aujourd'hui » a ainsi affirmé Christophe Cail. Cela rejoint la démonstration faite par le constructeur dans les premiers jours du procès, vidéo à l'appui, pour signifier que la situation n'était pas encore inextricable et que l'avion était récupérable si l'équipage avait mis en place la procédure unreliable airspeed indication -avec l'application immédiate des actions de mémoire - pour stabiliser la trajectoire et disposer du temps nécessaire pour aller chercher dans la documentation la suite de la procédure.
De quoi pousser la thèse de l'erreur de pilotage sans accabler les pilotes, du moins individuellement. L'ancien pilote d'essai les a d'ailleurs salué dans le cockpit cette nuit-là : « Pourquoi cela n'a pas marché ? Chaque pilote est sans doute un bon pilote, avec tous les tests qu'ils ont faits. Ils sont passés par le moule et sont au moins standard, mais c'est l'équipage qui n'a pas fonctionné. »

Léo Barnier
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Bugs
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Bugs »

Super cet article Marc! Il sort d'ou? de qui, je vois...
C'est en effet un angle un peu nouveau, même si au fond, il ne change pas grand chose si ce n'est un CRM de M.....
Air Caraïbe n'était pas tombé dans le piège... me semble t il....
J'irais même encore plus loin que Barnier en disant comme feu Jacques Rosay, il aurait "suffit" de ne rien faire. Pilote, Navigate....
Maintenir vitesse et altitude avec le badin classique, au moins le temps d'analyser le problème....
Le rapport mathématique entre la surface alaire et le poids du bourdon démontre qu'il lui est impossible de voler. Mais le bourdon l'ignore, c'est pourquoi il vole... (I. S.)
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par DC8 »

Encore merci Marc pour ce passage ,
De la haute voltige pour Airbus, pour ne pas tirer sur les ambulances, et les clients, mais cette dernière phrase en dit beaucoup pour qui sait lire entre les lignes.
Chaque pilote est sans doute un bon pilote, avec tous les tests qu'ils ont faits. Ils sont passés par le moule et sont au moins standard, mais c'est l'équipage qui n'a pas fonctionné
ils sont au moins "standard ". Le " au moins" est très cruel..plus l'entainement , le CRM , cette phrase tape ou cela fair mal .
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Re: AF447, le mot est laché....

Message par Marc3 »

DC8 a écrit : jeudi 17 nov. 2022 22:22 De la haute voltige pour Airbus, pour ne pas tirer sur les ambulances, et les clients, mais cette dernière phrase en dit beaucoup pour qui sait lire entre les lignes.
Chaque pilote est sans doute un bon pilote, avec tous les tests qu'ils ont faits. Ils sont passés par le moule et sont au moins standard, mais c'est l'équipage qui n'a pas fonctionné.
ils sont au moins "standard ". Le " au moins" est très cruel..plus l'entrainement , le CRM , cette phrase tape ou cela fait mal .
100% d'accord et le gars d'Airbus qui sait de quoi il parle a du lire, relire, et faire valider sa brillante intervention par les juristes Toulousains !
au lieu de dire "il sont au moins standard" il aurait du dire "ils sont au mieux standard" ! Mais c'était pas politiquement correct...
Quand tu vois que la présidente a refusé pour je ne sais quelle raison qu'il puisse détailler les 4 mn en fractionné le forçant ainsi à accélérer son propos c'est presque aussi ridicule que d'avoir accepté de ne pas joindre les rapports de leur activité en escale au dossier d'instruction.
so it goes.
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